Kim Jiyoung, née en 1982

Fiche identité

  • Titre du livre : Kim Jiyoung, née en 1982
  • Auteur : Cho Nam-Joo
  • Nombre de pages : 216
  • Édition : Editions Nil
  • Année de publication : 2016

Résumé

Kim Jiyoung est une femme ordinaire, qui porte le prénom le plus commun de Corée. Mariée et mère d’une petite fille, elle perd la raison du jour au lendemain et se met à parler avec la voix d’autres femmes. 

Avis    

Cette histoire, à travers la vie de Kim Jiyoung, une jeune coréenne née dans les années 80, dénonce les inégalités sociales entre hommes et femmes. Dès leur plus jeune âge, les femmes coréennes vivent cette domination masculine, que ce soit à la maison, à l’école ou au travail.
Issue d’une famille de trois enfants, Kim Jiyoung et sa soeur ont toujours subi cette différence de traitement par rapport à leur petit frère, seul fils de la famille. Elles partageaient une chambre tandis que leur frère avait la sienne ; il avait toujours les meilleurs morceaux pendant les repas ; il a toujours été plus choyé que les deux filles. À l’école, c’est le même schéma, mais cette fois-ci avec les garçons de la classe. Par exemple, ils sont les premiers à manger à la cantine. Au travail, même chose : les promotions sont destinées aux hommes, et souvent, parce que les modes de garde sont compliquées, les femmes finissent par abandonner le travail et devenir femmes au foyer. Ce qui est fascinant dans cette histoire est l’institutionnalisation de l’inégalité dans la société coréenne : ce n’est pas une famille, mais la majorité des familles qui le fait ; c’est la société qui est régie et qui régule la vie des gens ainsi. Même si des lois ont été promulguées, le constat reste accablant puisqu’elles sont rarement appliquées.
Le style est froid, incisif et distant. L’auteur décrit les événements de manière factuelle, sans y mettre des états d’âme. C’est presque plus un exposé qu’une histoire tellement il y a de distance entre le narrateur et l’auteur. La fin est trop rapide : on ne sait pas vraiment ce qui arrive à la narratrice Kim Jiyoung. Est-ce de la dépression ? De la folie simulée ? Une schizophrénie à cause de la pression sociale constante qu’elle subit ?
En tout cas, quand on voit ce genre de roman, on se dit que le combat pour le droit des femmes est loin d’être gagné, mais qu’il faut persévérer quel que soit le pays où on se trouve.
We are Kim Jiyoung !

Yellowface

Fiche identité

  • Titre du livre : Yellowface
  • Auteur : Rebecca F. Kuang
  • Nombre de pages : 346
  • Édition : Ellipsis
  • Année de publication : 2025

Résumé

June Hayward et Athena Liu ont étudié ensemble à Washington et ont poursuivi une carrière d’écrivain. Elles se voient de temps en temps. Pendant qu’Athena est au summum de son succès, June peine à vendre son manuscrit. Un soir, alors qu’elles sont ensemble, Athena a un accident et meurt subitement. Sans réfléchir, June s’approprie le manuscrit de son amie, le remanie et l’envoie à son agent en prétendant que c’est le sien. Jusqu’où va aller June pour protéger ce mensonge et ce secret ? 

Avis    

Est-ce que vous avez déjà été envieux et jaloux d’une amie ? Celle à qui tout réussit, celle qui est belle, celle qui est talentueuse et que tout le monde admire pendant que vous restez le vilain petit canard. C’est un sentiment honteux, tabou dont on parle rarement même dans les cercles les plus intimes.
June est jalouse d’Athena. June vole le manuscrit d’Athena à cause du décès subi de sa copine. June rencontre enfin le succès littéraire grâce à ce mensonge. Oui, June est détestable dans sa façon de faire, mais par un tour de force incroyable, l’auteur arrive à rendre un personnage antipathique presque attachant. J’ai ressenti de la compassion pour elle, malgré ses mensonges, son besoin de reconnaissance et sa solitude. June a profité d’une situation exceptionnelle pour tenter de briller, mais elle est ensuite dépassée par les événements. C’est vrai qu’elle ne se remet pas en question, qu’elle défend son point de vue jusqu’au bout et qu’elle s’accroche à ses idées, mais pour moi, c’est une réaction de défense. D’ailleurs, qui ne l’aurait pas fait à sa place ?
On découvre le fonctionnement des maisons d’édition, la machine à fabriquer des best-sellers. C’est un peu effrayant d’imaginer que nos goûts, nos coups de coeur seraient le fruit d’un savant calcul psychologique et économique où le marketing, les réseaux sociaux, les prix littéraires jouent un rôle prépondérant. Ces descriptions ont remis un peu en cause le choix de mes livres récemment.
Ce livre dénonce aussi les dérives des réseaux sociaux, notamment l’addiction et le harcèlement de masse. Quand le mensonge de June commence à être découvert, elle subit une campagne ciblée de haine, de racisme et de mépris sur ces plateformes. Le pouvoir de ces outils est inquiétant, car oui, il peut briser des vies. Un événement qui aurait pu rester régional, devient national et planétaire grâce aux partages de contenu. C’est un danger pour tout le monde, car on a aussi « droit à l’oubli » sur des erreurs commises.
Le style d’écriture est assez fluide, mais parfois un peu dense et répétitif. Je pense qu’il y a une centaine de pages en trop, avec des répétitions sur les états d’âme de June. Le ton est ironique, et l’auteur en profite pour égratigner copieusement la politique des maisons d’édition. 
Même si le livre est présenté comme un thriller, c’est plus un roman psychologique. La fin est un peu décevante : je ne sais pas, mais j’attendais quelque chose de plus, et je suis restée un peu sur ma faim. En tout cas, j’ai apprécié ce roman pour son originalité, et la capacité de l’auteur à susciter de l’empathie pour un personnage à priori détestable. To be read !