Les yeux dans les arbres

Fiche identité

  • Titre du livre : Les yeux dans les arbres
  • Auteur : Barbara Kingsolver
  • Nombre de pages : 672
  • Édition : Payot et Rivages
  • Année de publication : 1998

Résumé

Nathan Price, un pasteur baptiste américain, part en mission évangélique au Congo avec sa femme et ses quatre filles. Mais ce changement de vie va bouleverser l’équilibre  précaire de la famille. 

Avis     

Ce livre est une perle magnifique rencontrée sur ma route de lecteur. J’en suis ressortie avec une émotion si forte que j’ai mis du temps à m’en remettre, et je pense que je ne m’en remettrai pas. Quelque part, au fond de moi, me hantent encore les voix des cinq femmes Orleanna, Rachel, Leah, Adah et Ruth May.
Lorsque cette famille part au Congo pour une mission évangélique, c’est leur vie qui s’écroule peu à peu. Isolée dans un village congolais sans aucun accès mis à part un petit avion qui arrive par intermittence, en proie au climat aléatoire qui va de la sécheresse aux pluies diluviennes, cohabitant avec des animaux sauvages comme les serpents et les tarentules, la famille s’effrite peu à peu.
L’histoire est racontée du point de vue des cinq femmes de la famille. Chacune, avec un ton différent, un humour à elle, et surtout une certaine lucidité, décrivent cette expérience désastreuse et tragique. Nathan, le père, qui était craint par ses filles, perd au fur et à mesure sa crédibilité et son autorité. Il est tellement aveuglé par la religion qu’il ne voit pas ce qui se passe autour de lui : les villageois ne comprennent pas son message ; sa famille sombre dans le chaos ; la situation politique s’envenime jusqu’à ce que survienne une terrible tragédie qui brisera à jamais la famille.
L’histoire est longue, car l’auteur s’attarde ensuite sur les conséquences de cette tragédie. Jusqu’au bout, chacune d’elles portera les séquelles, différemment, mais toujours avec cette culpabilité sous-jacente. Elles essaieront d’expier chacune à leur manière ce qui est arrivé.
L’auteur décrit ici le fanatisme religieux poussé à son paroxysme. Jusqu’au bout, le père s’accrochera à ses convictions religieuses quitte à sacrifier toute sa famille. Il n’a jamais essayé de comprendre la culture des autres, les traitant avec mépris et condescendance. À travers ce roman, l’auteur dénonce aussi le colonialisme et ses conséquences. L’auteur évoque aussi le contexte politique de l’époque après la décolonisation du Congo Belge, avec l’arrivée de Patrice Lumumba au pouvoir et ensuite le coup d’Etat de Joseph Mobutu.
Le style d’écriture est magnifique, avec chaque fois, une voix différente qui parle selon les chapitres. Les personnages principaux sont finement ciselés, si bien décrits qu’on a l’impression de les côtoyer au quotidien et de les connaître intimement. J’étais emportée dans cette histoire inoubliable, sublime qui m’a fait pleurer toutes les larmes de mon corps.
À découvrir de toute urgence !!!

Autre(s) livre(s) de cet auteur commentés dans ce blog : On m’appelle Demon Copperhead

L’exploitation

Fiche identité

  • Titre du livre : L’exploitation
  • Auteur : Jane Smiley
  • Nombre de pages : 608
  • Édition : Payot et Rivages
  • Année de publication : 1991

Résumé

Cette histoire se déroule dans les années 1970 dans l’Iowa. Larry Cook décide sur un coup de tête de léguer son exploitation agricole à ses trois filles. Tandis que la benjamine voit ce don d’un mauvais oeil, pour les deux aînées, cette décision est la bienvenue et symbolise une sorte de récompense pour toutes les années où elles ont pris soin de leur père. Mais l’équilibre de la famille vacille peu à peu depuis ce cadeau empoisonné. 

Avis     

Malgré ce titre un peu austère, ce livre décrit avec brio les tensions qui peuvent régner dans une famille. Comme cadeau empoisonné, il n’y a pas mieux que la décision de Larry Cook de léguer son exploitation agricole à ses enfants. Depuis ce funeste jour, leur famille s’est progressivement délitée pour ne plus rien laisser à part des cendres.
Chaque personnage est finement travaillé, ciselé jusqu’au bout. Leurs traits psychologiques sont si réalistes qu’on a l’impression de côtoyer de vraies personnes en lisant ce livre.
Il y a d’abord la figure du père, qui prend peu à peu forme au fur et à mesure qu’avance le récit. En plus d’être un homme autoritaire, exigeant et violent, on découvre aussi un vieillard qui perd la tête et qui provoque, par son attitude, des querelles violentes au niveau de la famille. Jusqu’au bout, je me suis posée la question sur cet homme : est-ce un grand manipulateur qui aime semer la zizanie ou bien a-t-il réellement perdu ses facultés mentales ? Vu ce qui s’est passé, je pencherai presque pour la première option.
À ses côtés coexistent trois filles dont l’une d’elles est la principale narratrice. Ginny, l’aînée, a des sentiments ambivalents : elle essaie d’être gentille, serviable et cherche à tout prix le consensus entre les membres de la famille. Pourtant, elle est rongée par la jalousie et l’envie tout en justifiant ses faits et gestes par les actions de sa cadette. Rose, la cadette, est plus impulsive, agressive et dure. Quant à Caroline, elle intervient peu, mais est un noeud principal du conflit.
Lorsque les secrets sortent enfin de leurs tombes, j’ai eu beaucoup de peine pour les deux aînées. Quand les masques tombent, que reste-t-il ? Est-il possible de pardonner l’impardonnable, d’effacer les torts et d’aller de l’avant ?
Le style d’écriture est agréable, doux mais aussi vif et lucide. J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur nous emmène dans les méandres de ce drame familial. Elle sait décrire avec brio les sentiments humains, la pression sociale, le silence oppressant et la chute des idéaux.
C’est un très bon livre qui mérite vraiment le détour !