Les intermittences de la mort

Fiche identité

  • Titre du livre : Les intermittences de la mort 
  • Auteur : José Saramago
  • Nombre de pages : 240
  • Édition : Seuil
  • Année de publication : 2005

Résumé

Dans un pays sans nom, un événement extraordinaire plonge la population dans l’euphorie. Depuis le début de l’année, plus personne ne meurt. Mais ensuite, cette situation qui semblait paradisiaque tourne court, car le temps continue son œuvre : les gens vieillissent, mais ne meurent pas…

Avis     

C’est le second livre que je lis de cet auteur et je suis toujours époustouflée par sa plume et son imagination. Je n’aurai jamais cru que la mort pouvait avoir une fonction autre que douloureuse. Perdre un être cher est une épreuve difficile : pris dans son individualité, la mort est injuste, aléatoire et nous sépare à jamais d’êtres qu’on aimait.
Mais pris dans un point de vue global et presque macroéconomique, la mort joue un autre rôle : comment ferait-on si les gens continuaient à vieillir sans jamais mourir ? Cela pose des questions économiques (quid de l’avenir des assurances-vies, du versement ad vitae aeternam des retraites), logistiques (des maisons de retraite et des hôpitaux plein de personnes qui auraient dû mourir) sociales et éthiques (est-ce légal et juste de ramener les gens à la frontière du pays afin qu’ils meurent ?). Je suis fascinée par la manière dont l’auteur dissèque le sujet et nous montre certaines évidences.
La seconde partie du livre s’intéresse de plus près à la mort en tant « qu’individu » : consciente du chaos qu’elle a engendré dans le pays, celle-ci reprend du service, mais en variant un peu son modus operandi. Désormais, elle enverra un courrier qui préviendra l’intéressé huit jours avant la date fatidique. Tout marchait bien jusqu’au jour où un courrier n’arrive pas vers son destinataire. Cette seconde partie est plus intime, plus drôle et ironique aussi. L’auteur décrit la mort comme une employée de bureau qui accomplit ses tâches avec célérité. Voilà, c’est son travail bien qu’il soit déplaisant pour ses victimes. Certains passages sont justes très drôles, notamment lorsqu’elle discute avec sa faux ou tente de justifier sa place dans la hiérarchie (elle ne s’occupe que de dix millions d’âmes, que les animaux et végétaux appartiennent à un autre département, etc.). 
Le style d’écriture est difficilement accessible. L’auteur n’utilise pas de tirets, mais une succession de virgules. Il faut s’accrocher pour suivre le fil de ses dialogues imbriqués dans le texte d’autant plus que le texte est riche, complexe et plein d’humour.
Malgré cette complexité littéraire, ce livre est d’une rare intelligence et subtilité. À découvrir ! 

Autre(s) livre(s) de cet auteur commentés dans ce blog : L’aveuglement

Les yeux dans les arbres

Fiche identité

  • Titre du livre : Les yeux dans les arbres
  • Auteur : Barbara Kingsolver
  • Nombre de pages : 672
  • Édition : Payot et Rivages
  • Année de publication : 1998

Résumé

Nathan Price, un pasteur baptiste américain, part en mission évangélique au Congo avec sa femme et ses quatre filles. Mais ce changement de vie va bouleverser l’équilibre  précaire de la famille. 

Avis     

Ce livre est une perle magnifique rencontrée sur ma route de lecteur. J’en suis ressortie avec une émotion si forte que j’ai mis du temps à m’en remettre, et je pense que je ne m’en remettrai pas. Quelque part, au fond de moi, me hantent encore les voix des cinq femmes Orleanna, Rachel, Leah, Adah et Ruth May.
Lorsque cette famille part au Congo pour une mission évangélique, c’est leur vie qui s’écroule peu à peu. Isolée dans un village congolais sans aucun accès mis à part un petit avion qui arrive par intermittence, en proie au climat aléatoire qui va de la sécheresse aux pluies diluviennes, cohabitant avec des animaux sauvages comme les serpents et les tarentules, la famille s’effrite peu à peu.
L’histoire est racontée du point de vue des cinq femmes de la famille. Chacune, avec un ton différent, un humour à elle, et surtout une certaine lucidité, décrivent cette expérience désastreuse et tragique. Nathan, le père, qui était craint par ses filles, perd au fur et à mesure sa crédibilité et son autorité. Il est tellement aveuglé par la religion qu’il ne voit pas ce qui se passe autour de lui : les villageois ne comprennent pas son message ; sa famille sombre dans le chaos ; la situation politique s’envenime jusqu’à ce que survienne une terrible tragédie qui brisera à jamais la famille.
L’histoire est longue, car l’auteur s’attarde ensuite sur les conséquences de cette tragédie. Jusqu’au bout, chacune d’elles portera les séquelles, différemment, mais toujours avec cette culpabilité sous-jacente. Elles essaieront d’expier chacune à leur manière ce qui est arrivé.
L’auteur décrit ici le fanatisme religieux poussé à son paroxysme. Jusqu’au bout, le père s’accrochera à ses convictions religieuses quitte à sacrifier toute sa famille. Il n’a jamais essayé de comprendre la culture des autres, les traitant avec mépris et condescendance. À travers ce roman, l’auteur dénonce aussi le colonialisme et ses conséquences. L’auteur évoque aussi le contexte politique de l’époque après la décolonisation du Congo Belge, avec l’arrivée de Patrice Lumumba au pouvoir et ensuite le coup d’Etat de Joseph Mobutu.
Le style d’écriture est magnifique, avec chaque fois, une voix différente qui parle selon les chapitres. Les personnages principaux sont finement ciselés, si bien décrits qu’on a l’impression de les côtoyer au quotidien et de les connaître intimement. J’étais emportée dans cette histoire inoubliable, sublime qui m’a fait pleurer toutes les larmes de mon corps.
À découvrir de toute urgence !!!

Autre(s) livre(s) de cet auteur commentés dans ce blog : On m’appelle Demon Copperhead